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Comprendre la transformation digitale avec Jean-Philippe Timsit

Rédigé par Cuiban Corina | 30 juil. 2019 08:18:12

« La numérisation et la digitalisation des processus de l’organisation » est la définition la plus communément acceptée de la transformation digitale, toutefois, selon Jean Philippe Timsit, les choses ne sont pas aussi simples. Il existe une certaine complexité derrière cette notion. 

La transformation digitale est devenue depuis quelques années un sujet de débat ardu dans le milieu des entreprises. Pour autant, la grande majorité des chefs d’entreprise ne comprend réellement pas ce qu’elle signifie, quels changements elle engendre et pourquoi l’implémenter au sein de leur organisation. Pour vous apporter quelques éléments de réponses, nous avons interviewé Jean-Philippe Timsit, expert dans ce domaine.

Auteur du livre « Stratégie digitale - Méthodes et techniques pour créer de la valeur », directeur Académique à EM Lyon  des programmes TDO (Transformation Digitale des Organisations dédié aux chefs d’entreprise), TDMS (transformation digitale et marketing stratégique pour les étudiants) et consultant dans la transformation digitale pour les entreprises, c’est une des personnes desquelles nous avons tous à apprendre. 

Cet article est le résultat d’un échange passionnant et enrichissant. Vous trouverez une définition plus élaborée de la transformation digitale, des éléments qui expliquent l’émergence de ce phénomène, la méthodologie à appliquer lorsque vous vous transformez, par qui ou quoi doit être alimenté la volonté de se transformer, mais aussi pourquoi le positionnement est une arme indispensable dans ce processus. 

 

Transformation digitale – définition 

Il existe une définition communément acceptée de la transformation digitale.  Toutefois, selon notre interviewé, cette notion est bien plus complexe qu'elle le paraît. 

 

Une complexité liée au type et à la taille d’une organisation

Premièrement, lorsque l'on parle de transformation digitale, on parle d’organisation et non pas d’entreprise. Cette distinction est importante parce que le processus de transformation est très différent pour une structure publique, une association ou bien une structure privée. Cette réflexion est valable également pour la taille de ces structures. Le type et la taille d’une organisation rendent cette notion complexe, car les objectifs stratégiques ne sont pas les mêmes en fonction de ces variables.

 

Complexité liée à la numérisation des processus de l’organisation 

En seconde place, selon J.P Timsit, lorsque l'on parle de transformation digitale, on parle de numérisation des processus de l’organisation et pas seulement des processus de création de valeur. Traditionnellement, dans une organisation, on considère qu’il y a des fonctions de soutien (RH, RD, comptabilité, finance) et des fonctions créatrices de valeur (marketing, logistique, commerciale). Avec la transformation digitale, tous les processus de l’entreprise sont transformés pour devenir créateurs de valeur. L’ensemble des processus et des fonctions deviennent ainsi générateurs de valeur pour l’organisation. 

La transformation digitale est donc différente pour chaque structure et elle engendre des changements à l’ensemble des secteurs de l’organisation. 

 

Les facteurs qui ont poussé l’émergence de la transformation digitale

Une concurrence accrue

Les entreprises contemporaines n'ont pas la vie facile. Elles doivent être en constante alerte pour garder les parts de marchés. Dans la même logique, elle doivent constamment innover pour garder leurs avantage concurrentiels intact. De plus, il y a de plus en plus des entreprises qui mènent une concurrence par le prix. 

La technologie

L’ouverture du web au public et la mise sur le marché des smartphones ont véritablement changé la donne. Ces deux technologies ont ouvert d’énormes possibilités sur le marché, tout en faisant apparaître des technologies de plus en plus sophistiquées. L’émergence de ces technologies a en effet complètement bouleversé la manière des entreprises de vendre, et des clients d’acheter.

Un changement de comportement des consommateurs

Depuis les années 2000, tout le monde a accès à Internet dans la poche. Le parcours client a également changé, il est devenu "phigital", contraction des deux termes « physique et digital ». Le consommateur contemporain passe ainsi d’un canal à un autre avec une légèreté et une rapidité sans précédent. Ce type de comportement est, en effet, généralisé et sociétal.

 

« La grille de lecture jeune, vieux, milleniums, génération X, Y n’est pas bonne. La bonne grille de lecture, c’est l’usage des technologies qui a changé. »

- J.P Timsit

 

Les gens demandent de plus en plus d’être au centre des préoccupations des entreprises, et cela, indifféremment du canal avec lequel ils choisissent d’interagir avec les marques.

 

Une situation d’information parfaite 

Le client contemporain est dans une situation de connaissance parfaite. En seulement 10 minutes sur Google, il peut comparer des services et des produits similaires pour en choisir l’offre la moins chère, ou bien l’offre la plus complète en termes de service. Cette situation a complètement bouleversé la manière de faire du business. 

Les entreprises ne peuvent plus, comme elles le faisaient avant la généralisation du web, donner un prix, une offre, des caractéristiques produits et s’attendre à ce que le client les accepte tels quels. Le client n’est plus dans une situation d’information incomplète, il peut consulter des informations sur le produit, ou le service, en dehors des sources officielles, comme par exemple les avis Google ou Facebook, les forums de discussions, ou bien encore dans les commentaires clients. Par ailleurs, il est aujourd’hui en capacité de comparer votre offre avec celle de vos concurrents en seulement quelques clics et choisir celle qui lui convient le plus. 

 

« Cela veut dire que pour une entreprise, ne pas mettre le client au cœur du dispositif créateur de valeur, c’est au pire du suicide et au mieux se couper un bras. »

- J.P Timsit

 

Les entreprises qui refusent de mettre le client au centre de leur préoccupation se tirent directement une balle dans le pied, en ignorant les conséquences à venir. 

 

Quelle méthodologie pour la transformation digitale 

Si l’on prend en considération la complexité de cette notion évoquée plus haut, il n’y pas de méthode clé-en-main pour la transformation digitale. Toutefois, il faudra envisager que dans un processus de transformation digitale, il y a des prémices, des processus et des objectifs. 

Avant d’envisager la transformation d’une organisation, il faudra prendre en compte plusieurs paramètres. 

Les caractéristiques intrinsèques de l’organisation 

  • Le type d’organisation (privée, publique, ou bien non-lucrative) 
  • La taille de l’organisation (TPE, PME ou grande entreprise)
  • Le secteur d’activité 
  • La structure de l’organisation (matricielle, fonctionnelle ou multidivisionnelle)
  • Le niveau à partir duquel on commence la transformation. On considère qu’il y a 3 niveaux dans une organisation : corporate, business, opérationnel. Votre transformation digitale, si vous la faites d’abord au niveau business, vous ne la ferez pas de la même manière pour les autres niveaux. 
  • Les types de technologies qui sont utilisées dans l’organisation 
  • La culture de l’organisation. Certaines entreprises forment très régulièrement leurs salariés, et d’autres le font beaucoup moins. Cet aspect influe énormément sur la transformation digitale d’une entreprise, puisque les métiers des salariés vont changer, ils vont devoir s’approprier des modes de fonctionnement et de travail différents. Faire cela dans une entreprise où la formation est optionnelle peut s’avérer très difficile. 
  • Des éléments typiques de votre organisation comme ses concurrents. Jean Philippe Timsit reconnaît que dans sa pratique, il rencontre des chefs d’entreprise qui veulent se transformer parce que leur concurrence le fait déjà, ou bien parce qu’ils ont lu un article dans la presse.

    « Moi, parfois, j’ai des DG qui me disent, on va lancer une transformation digitale parce que j’ai lu un super article dans  les Echos . C’est une réalité »

- J.P Timsit

 

 

  • L’origine de la volonté de se transformer. Il est important de savoir quelle est l’impulsion qui a fait naître cette volonté de se transformer. Elle peut surgir de différentes sources qui ont plus ou moins d’impact sur la réussite du projet. 
    • Concurrence agressive sur le secteur d’activité
    • Opportunités avec un client
    • Vision du dirigeant
    • Changement du mode de gouvernance
    • Modification dans la structure de l’actionnariat
    • Souhait de mieux servir le client

La transformation digitale va être conduite de façon différente selon la nature de l’organisation, sa taille, ses ambitions et ses éléments typiques. 

Cartographie des processus

En seconde place, il faudra comprendre les processus de l’organisation, sur laquelle l’organisation appuie son fonctionnement, et en construire une cartographie, Selon Jean Philippe Timsit, il n’y a aujourd’hui que très peu de gens qui savent le faire véritablement. 

 

D’où doit venir la volonté de se transformer ? 

Selon J.P. Timsit, la décision de se transformer dépend en grande partie du secteur dans lequel évolue l’organisation. Pour autant, selon lui, cette décision doit être drivée par la volonté de délivrer plus de valeur aux clients. Pour faire cela, vous aurez besoin de connaître et comprendre vos clients, leurs comportements et leurs centres intérêts. 

Voici pourquoi connaître véritablement votre buyer persona prend ici tout son intérêt. Pour rappel, le buyer persona est une représentation semi-fictionnelle de vos clients, qui retranscrit ses caractéristiques démographiques, économiques et sociales. Elle retrace aussi ses centres d’intérêts, ses frustrations, ses objectifs et ses motivations. 

L’objectif numéro un de toute organisation est de mieux servir son client. C’est la meilleure manière de s’attaquer à la concurrence et de vous garantir la pérennité sur le marché. Ce processus passe ainsi par une connaissance parfaite du comportement de son buyer persona pour lui délivrer plus de valeur.

 

« Ce que les gens ont beaucoup de mal à comprendre, c’est que la clé d’une activité stratégique et d’un business performant est de réussir à délivrer plus de valeur au client que les concurrents, et faire comprendre au client qu’on délivre plus de valeur. C’est ce qu’on appelle le positionnement. » 

- J.P Timsit


 

Le positionnement - une véritable arme stratégique

 

Le positionnement est une marque distinctive qu’une organisation veut laisser dans l’esprit du consommateur. Il doit permettre de caractériser l’organisation et délivrer une valeur perçue pour l’organisation. Il est construit à partir de deux supports : l’identification et la différentiation. Il doit être attractif, crédible et différent par rapport aux concurrents et durable dans le temps. 

 

Voici comment doit se construire l’expression de votre positionnement : 

Le produit/la marque (identification précise du produit/service)

Qui fait quoi de plus (sa force de différentiation et sa valeur ajouté)

À qui ? (son buyer persona)

 

Le positionnement permet donc de concrétiser votre avantage concurrentiel et délivrer plus de valeur pour votre client.  Aujourd’hui, pour avoir un meilleur positionnement sur le marché, beaucoup d’entreprises doivent se transformer. 

 

Deux typologies d'organisations  

Selon notre interviewé , aujourd’hui, il y a deux types organisations. Pour illustrer ses propos il donne l'exemple de l’experts-comptables. Toutefois, cette distinction est valable pour tous les secteurs d'activités, non seulement l'expertise-comptable. 

En vue de transformation

Le premier nous permet de charger directement sur un serveur des pièces comptables, les enregistrer et attendre en toute tranquillité et confiance qu’elles soient traitées dans des délais raisonnables. Avec un smartphone, le client prend des photos des pièces comptables et les dépose sur le serveur. En quelques minutes, le job du client est fait et l’expert-comptable dispose de documents propres, bien rangés là où il faut. Il peut donc commencer son travail. 

Dans ce cas, la digitalisation n’est pas complète, mais, ce type d’organisation est en bonne voie. Il y a déjà des experts comptables qui ont compris que le fait de créer de la valeur pour le client, c’est l’élément qui compte le plus aujourd’hui.

Coincé dans des vieux schémas

Le deuxième type d’expert-comptable est celui qui est resté coincé dans des vieux schémas. Il pense que le client a forcément besoin de lui, donc il ne fait aucun effort pour lui offrir une plus-value. Une tactique qui ira droit dans le mur parce qu’il n’y a pas de positionnement clair et d’élément différentiateur par rapport à la concurrence. Il risque, en effet, non seulement de ne plus avoir des nouveaux clients à long terme, mais aussi perdre ceux qu’il détient, parce que ces derniers trouveront de meilleures opportunités ailleurs. 

 

« Il n’y a rien de plus ennuyeux pour un client que de lister les notes de frais et faire des calculs. Pendant qu’il fait cela, il ne fait pas de choses qui sont créatrices de valeur pour lui. »

-J.P Timsit


Aujourd’hui, il n’y a rien de plus frustrant que l’impression de perdre son temps. La transformation digitale permet donc de raccourcir les délais, rendre le travail plus rémunérateur et créer de la valeur pour l’entreprise, mais, aussi et surtout, pour le client. 

À suivre …